Le live action d'ONK qu'on attendait
Alors qu’il s’apprête à sortir au cinéma, Love on Trial de Kōji Fukada remet une nouvelle fois le monde des idoles sur le devant de la scène. Et pourtant, dès Perfect Blue (1997) du regretté Satoshi Kon, ce milieu avait déjà été sévèrement critiqué pour son miroir aux alouettes et la monétisation des sentiments, des corps et des sourires. Le fan lui-même n’est jamais vraiment dupe, et ce jeu du mensonge a été si brillamment décrit dans le manga Oshi no Ko qu’on peut légitimement se demander ce qu’une énième série peut encore apporter, d’autant plus lorsqu’elle s’étale sur 13 épisodes de 50 minutes, retraçant l’ascension de trois futures stars.Et pourtant, étonnamment, Oshi no Satsujin est peut-être l’œuvre la plus pertinente d’un point de vue informatif sur ce milieu. Et ce, malgré un scénario peu réaliste qui, comme vous allez le voir, part dans toutes les directions pour mieux se rassembler au final. Du plus sombre au plus what the fuck, du plus glauque au plus kawaii, même Élise Lucet serait choquée par ce "Complément d’enquête", comme il se doit, à la fois dénonciateur et voyeuriste, d'Envoyé Spécial au pays des idoles.
Exit donc l’amour impossible, la folie du dédoublement de personnalité ou la vengeance envers un père absent. Le cadre des idoles sert ici un thriller anxiogène porté par trois jeunes actrices encore peu connues : Tanabe Momoko, Yokota Mayuu et Hayashi Meari. Elles se partagent le premier rôle comme trois membres d’un groupe unies pour la vie. Mais c’est plutôt la mort qui les rassemble et les transforme progressivement en une véritable famille. Trois sœurs inséparables, partageant des secrets de plus en plus nombreux, immoraux et macabres, tout en cherchant à construire la famille dont elles ont été privées.
Si Yokota Mayuu et Hayashi Meari incarnent parfaitement des rôles de discrêtes, presque transparentes, Tanabe Momoko est une véritable révélation en leader du groupe. Les secrets se dévoilent peu à peu, révélant toutes les aspérités, loin de l’image lisse attendue d’une idole. Si les idoles sont les reines du mensonge, elle, en est l'impératrice. Elle crève l’écran dans un rôle fort, même si le scénario a parfois tendance à la confronter aux pires situations sans vraiment y réfléchir. Comme dans tout slasher, nos trois preincesses de la scène se jettent régulièrement dans la gueule du loup, sans aucune protection et réflexion.
Pourtant, elles sont bien entourées. Une pléthore de Johnny’s participe au casting masculin. Et, tout comme dans un Scary Movie, nul ne sait vraiment à qui faire confiance. Il faudra attendre les derniers épisodes pour dévoiler le cœur de l’intrigue et le rôle de chacun. En attendant, de nombreuses side stories viennent nourrir l’ensemble : l’ascension des idoles, des triangles amoureux, un mystérieux serial killer faisant l’aller-retour entre Osaka et Tokyo, des amitiés d’enfance, du harcèlement scolaire, des rêves de petites filles… Les clichés liés aux idoles sont nombreux, mais souvent réalistes. Le caractère informatif est bien présent : les fans sont lourds, suants, gras, tels que les journalistes français aiment les dépeindre. Les idoles travaillent dur et percent finalement, parfois en donnant bien plus que leur voix.
Chaque personnage secondaire incarne une facette de la pensée sociétale autour du show-business. Une femme bafouée déteste les idoles et les compare à des prostituées avec des arguments recevables, tandis qu’une mère est immensément fière de voir sa fille réaliser son rêve d’enfant, monter sur scène en robe de princesse. Tous les arguments se valent, et juger devient difficile au final.
Seule la qualité artistique de l’œuvre, oscillant entre nanar et chef-d’œuvre, peut réellement être débattue. Le jeu de certains acteurs est parfois irritant, notamment lorsqu’ils dévoilent leur personnalité macabre ou qu’ils en font trop dans la gentillesse. Le petit côté provincial, avec l’accent d’Osaka forcé, est à la fois plaisant et excessivement surjoué. Les plaintes ponctuées de « ya » en fin de phrase accentuent le côté pleurnichard du personnage de Hayashi Meari, ce qui peut lasser assez rapidement.
Grâce à une durée étonnamment longue pour le genre, la série vous entraîne dans de multiples directions et parvient à maintenir le suspense. On ne sait jamais vraiment ce qui va se passer dans l’épisode suivant, et rien que cela est déjà un exploit pour une série japonaise souvent trop friande de clins d’œil divulgâcheurs. Bien sûr, cette longueur et ce scénario alambiqué masquent un manque de moyens évident au niveau de la production. Les décors et la réalisation sont cheap, comme les scènes de rue et les maisons louées filmées caméra au poing, sans artifice. Même les scènes dans les salles de spectacle semblent parfois captées au smartphone, par les fans.
Mais une bonne surprise artistique accompagne malgré tout la dizaine d’heures de visionnage. Une bande originale qui porte bien son nom, moderne et entêtante, dont on aura du mal à se débarrasser. Je ne parle pas des chansonnettes créées pour le faux groupe, mais bien de la bande-son signée Dejizue et Kuroda Mori. Et cet ending de Yu-ka, qui arrache une larme à chaque meurtre, donnera définitivement envie de déposer une rose noire sur le corps de chaque victime.
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