Si le monde était un drama, je voudrais qu'il soit celui-là !
Un rassemblement d'acteurs bankables peut-il suffire à faire une bonne pièce de théâtre et, de surcroît, un bon drama ? C'est une question que Suda Masaki ne se pose pas, signant dans le rôle d'un metteur en scène son retour à la TV. Un évènement à lui tout seul et qui rentre en résonance avec ce premier rôle qu'il habite, que dis-je, qu'il hante à en faire peur.Pour ceux qui suivent sa carrière depuis toujours, nul ne sera surpris du choix et de la manière de jouer ce personnage fantasque. Un metteur en scène passionné, artiste maudit, mais prêt à tout pour monter sa pièce. Et quelle leçon d'acteur, il réalise encore là ! C'est bien simple, je pense que c'est son personnage que je préfère. Et cela, malgré les dizaines de costumes qu'il endosse depuis tant d'années. Pas une seconde de jeu ne trahit son talent. Il rend, par sa passion, le plus bel hommage que l'on puisse faire aux acteurs, dont chaque jour d'utilisation d'IA par les médias artistiques rend l'avenir plus incertain.
L'ensemble de la réalisation est au service de chaque personnage. L'histoire se situant à l'époque bénie du milieu des eighties (en existe-t-il une plus belle ?) dans le quartier au décor sublimé de néons de Kabukichō. Cet hommage à la City Pop et aux enseignes clignotantes ravive les souvenirs du quinquagénaire que je suis, tout en transpirant la modernité.
Cette modernité que notre metteur en scène tente d'insuffler dans Songe d'une nuit d'été de son idole Shakespeare, qui, malgré mon âge de dinosaure, m’était totalement inconnue. Mais qu'importe : avec des rôles délirants, un jeu passionné et surtout une volonté de briser le 4ᵉ mur avec subtilité, on se prend au jeu et on voudrait faire partie de cette troupe d'amateurs, laissés pour compte par la société bien réglée de l’ère Shōwa et par la bulle économique qui n'attend que d'éclater.
Stripteaseuses, mères célibataires ou parfois les deux, en 1984, certains cumulent les difficultés dans un Japon où l'essor économique et le patriarcat obligent encore à faire profile bas. Cette envie de montrer le monde du spectacle comme la seule alternative au conformisme de l'époque est passionnante, et certainement moins carton-pâte que les décors nous le feraient penser.
Même si certains ont encore peu ou prou des progrès à faire dans l'acting, venant à la ville comme à la campagne, du manzaï, des yakuzas ou du cabaret, ils sont si justes dans leurs rôles qu'ils vous feront vibrer à chaque scène. Nikaido Fumi, envoûtante, Ichihara Hayato, hilarant (certainement mon personnage préféré) et Hamabe Minami, pour ne citer que mes petits chouchous. Le bonheur de revoir Minami-chan, de surcroît en habit de miko, est une cerise sur un gâteau déjà bien trop copieux pour moi.
Non, rien n'est à jeter dans cette comédie qui suit une troupe de théâtre voulant monter une pièce avec une troupe de théâtre comme personnages principaux. Du déjà-vu, probablement, le plaisir n'est pas dans la surprise, mais purée, que c'est bien fait, joyeux et débordant de bonheur. Tout ce dont on a besoin aujourd'hui. La modernité de la mise en scène évite la nostalgie mortifère, mais la rend plutôt créative, en plus d'être récréative, avec un air de Yoasobi pour garder le sourire jusqu'à la dernière seconde.
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