L'école des sentiments tarifés
Les romances réprimandées par la société, malgré leur exploitation dans la littérature depuis Genji Monogatari, font encore le bonheur des producteurs et auteurs, tout média confondu, en cette bientôt fin de monde annoncée. De surcroît au Japon, terre de la bienséance et de la discrétion. Imaginer une amourette entre une professeure et un élève analphabète peut encore, malgré le cliché de la situation, faire vibrer les foules en 2025. Et pourtant, on a du mal à imaginer faire mieux que Garden of Words de Shinkai Makoto, surtout qu’en 2013, avec son trait de crayon et seulement 46 min, il avait tout dit et tiré les larmes nécessaires à la situation.
Ici, pour faire vibrer la corde sensible, le cordonnier est remplacé par un host de Kabukicho, ce qui ne nous rassure pas au premier abord. Du rentre-dedans et des beaux mecs androgynes vont parsemer 10 épisodes de hime-sama en direction des trentenaires à la recherche de l’aventurette télévisuelle. Vous entendrez donc soit votre voix intérieure, soit celle à côté de vous dans le canapé vous dire : C’est honteux cette exploitation de la misère amoureuse, tout en sachant que le voyeurisme est la raison principale de notre fascination.
Mais en réalité, tout est fait pour dénoncer le mizushōbai, à commencer par le ridicule dont les jeunes hosts s’affublent. Car si l’ensemble des intervenants semble donner les bons arguments pour critiquer l’exploitation de la solitude des femmes, ce sont les situations vécues par les hosts qui en font la meilleure critique. Mis plus bas que terre, traités comme des moins que rien, pas seulement par leur patron. Les clients, la société, les regardent comme des caniches à maman. Et c’est d’ailleurs très touchant de voir à quel point le héros de l’histoire cherche à travers son métier la reconnaissance maternelle qu’il n’a pas eue dans sa jeunesse.
Le trait sera donc forcé pour l’héroïne incarnée par l’excellente Kimura Fumino, en mère courage prête à tout pour sauver de l’illettrisme Murakami Maito Raul. Sa photo illustre d’ailleurs sur Wikipédia la définition de vieille fille. Dans son tailleur grisâtre, affublée d’un chignon et de lunettes, esquissant très peu de sourires face à sa classe de jeunes filles d'une école privée catholique. Oui, tout est dit. Les clichés sont ultra-forcés, comédie romantique oblige. Le paradis blanc, la journée. L’enfer rouge, la nuit. Raul-kun est présenté comme un Satan prêt à dévergonder la plus toute jeune vierge. Il faut choquer le bourgeois, que diable.
En vraie, la production cherche à choquer un public habitué et donc anesthésié par les mœurs de Kabukicho, mais n’y arrive pas vraiment. Encore moins si on vit au Japon, où les lieux de culte catholique n’ont pas réellement de sens au-delà du mariage. Mais toutes ces montagnes de clichés gâchent-elles l’expérience ? En réalité, très peu, car on assiste ici à de très belles performances d’acteurs. Kimura Fumino est évidemment habitée par sa mission de super neketsu sensei (celle-là je vais la ressortir à chaque fois, maintenant) mais sans en faire trop. Elle met énormément de temps à succomber au soi-disant charme de Raul-kun. D’ailleurs, est-ce qu’elle y succombe seulement ? Ces situations donnent une part de réalisme bienvenue. Ce drama est ancré dans la vraie vie et fait finalement très peu de place à la romance. Exit les longs plans "je te regarde dans les yeux pendant une minute". Kimura Fumino refuse et exècre les tapes sur l’épaule et autres avances ou mots doux appris à l’école des hosts. Les histoires de couple sont bien ancrées dans le Japon d'aujourd'hui: mariages arrangés, rencontres sur appli, misère affective, monétisation des sentiments. Les questions sociétales sont nombreuses, bien amenées et rendent le suivi de l’histoire passionnant.
En effet, Raul-kun ne cherche pas à faire plaisir à sa professeure, en apprenant à la vitesse grand V à écrire. Au contraire, le jeu du chat et de la souris dure et montre à quel point enseigner n’est pas donné à tout le monde. Une IA est encore loin de remplacer le contact humain, tant vouloir faire apprendre quelque chose à quelqu’un contre son gré est délicat. Délicat sera donc le mot d’ordre du drama.
Loin donc d’un énième reportage voyeuriste pour occidentaux prêts à se complaire dans des remarques du genre "tous des pervers ces Japonais", tout en se rinçant l’œil. Ce drama renforce la certitude de chacun sur la nécessité de mettre fin à ces pratiques d’escortes. Pas seulement pour les arnaques à l’argent, mais surtout pour les arnaques aux sentiments. Et pour cela, une seule solution : l’éducation.
Ici, pour faire vibrer la corde sensible, le cordonnier est remplacé par un host de Kabukicho, ce qui ne nous rassure pas au premier abord. Du rentre-dedans et des beaux mecs androgynes vont parsemer 10 épisodes de hime-sama en direction des trentenaires à la recherche de l’aventurette télévisuelle. Vous entendrez donc soit votre voix intérieure, soit celle à côté de vous dans le canapé vous dire : C’est honteux cette exploitation de la misère amoureuse, tout en sachant que le voyeurisme est la raison principale de notre fascination.
Mais en réalité, tout est fait pour dénoncer le mizushōbai, à commencer par le ridicule dont les jeunes hosts s’affublent. Car si l’ensemble des intervenants semble donner les bons arguments pour critiquer l’exploitation de la solitude des femmes, ce sont les situations vécues par les hosts qui en font la meilleure critique. Mis plus bas que terre, traités comme des moins que rien, pas seulement par leur patron. Les clients, la société, les regardent comme des caniches à maman. Et c’est d’ailleurs très touchant de voir à quel point le héros de l’histoire cherche à travers son métier la reconnaissance maternelle qu’il n’a pas eue dans sa jeunesse.
Le trait sera donc forcé pour l’héroïne incarnée par l’excellente Kimura Fumino, en mère courage prête à tout pour sauver de l’illettrisme Murakami Maito Raul. Sa photo illustre d’ailleurs sur Wikipédia la définition de vieille fille. Dans son tailleur grisâtre, affublée d’un chignon et de lunettes, esquissant très peu de sourires face à sa classe de jeunes filles d'une école privée catholique. Oui, tout est dit. Les clichés sont ultra-forcés, comédie romantique oblige. Le paradis blanc, la journée. L’enfer rouge, la nuit. Raul-kun est présenté comme un Satan prêt à dévergonder la plus toute jeune vierge. Il faut choquer le bourgeois, que diable.
En vraie, la production cherche à choquer un public habitué et donc anesthésié par les mœurs de Kabukicho, mais n’y arrive pas vraiment. Encore moins si on vit au Japon, où les lieux de culte catholique n’ont pas réellement de sens au-delà du mariage. Mais toutes ces montagnes de clichés gâchent-elles l’expérience ? En réalité, très peu, car on assiste ici à de très belles performances d’acteurs. Kimura Fumino est évidemment habitée par sa mission de super neketsu sensei (celle-là je vais la ressortir à chaque fois, maintenant) mais sans en faire trop. Elle met énormément de temps à succomber au soi-disant charme de Raul-kun. D’ailleurs, est-ce qu’elle y succombe seulement ? Ces situations donnent une part de réalisme bienvenue. Ce drama est ancré dans la vraie vie et fait finalement très peu de place à la romance. Exit les longs plans "je te regarde dans les yeux pendant une minute". Kimura Fumino refuse et exècre les tapes sur l’épaule et autres avances ou mots doux appris à l’école des hosts. Les histoires de couple sont bien ancrées dans le Japon d'aujourd'hui: mariages arrangés, rencontres sur appli, misère affective, monétisation des sentiments. Les questions sociétales sont nombreuses, bien amenées et rendent le suivi de l’histoire passionnant.
En effet, Raul-kun ne cherche pas à faire plaisir à sa professeure, en apprenant à la vitesse grand V à écrire. Au contraire, le jeu du chat et de la souris dure et montre à quel point enseigner n’est pas donné à tout le monde. Une IA est encore loin de remplacer le contact humain, tant vouloir faire apprendre quelque chose à quelqu’un contre son gré est délicat. Délicat sera donc le mot d’ordre du drama.
Loin donc d’un énième reportage voyeuriste pour occidentaux prêts à se complaire dans des remarques du genre "tous des pervers ces Japonais", tout en se rinçant l’œil. Ce drama renforce la certitude de chacun sur la nécessité de mettre fin à ces pratiques d’escortes. Pas seulement pour les arnaques à l’argent, mais surtout pour les arnaques aux sentiments. Et pour cela, une seule solution : l’éducation.
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